© Céline Wilczynski/CNRS DR12

Estelle HerrscherAnthropologie, bioarchéologie

Médaille d’argent du CNRS

Directrice de recherche CNRS en bioarchéologie et directrice du Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique (LAMPEA)1 à Aix-en-Provence.

Grâce à des marqueurs isotopiques, Estelle Herrscher remonte jusqu’à l’origine des protéines ingérées par les humains du passé. La directrice du LAMPEA parvient ainsi à identifier quelles espèces, animales comme végétales, étaient consommées par d’anciens peuples du Caucase et d’Océanie. Une expertise récompensée par la médaille d’argent du CNRS.

Au croisement de l’archéologie et de la biologie, Estelle Herrscher étudie l’alimentation humaine du Néolithique jusqu’à l’âge du bronze. Elle scrute les isotopes stables retrouvés dans le collagène d’ossements humains. Ces atomes fonctionnent comme de véritables marqueurs de prédation, qui remontent le long de la chaîne alimentaire en formant des combinaisons suffisamment spécifiques pour permettre de différencier les protéines végétales et animales, mais aussi savoir quelles espèces ont été mangées.

« J’observe des changements importants qui s’opèrent parfois en seulement quelques générations, et qui ne vont pas toujours dans le même sens. Ces informations nous aident à documenter les équilibres entre les hommes et leur environnement au fil des siècles et des espaces géographiques. »

Si ces marqueurs isotopiques sont déjà utilisés en écologie pour étudier les chaînes alimentaires, Estelle Herrscher est une pionnière dans leur transposition à l’archéologie et à l’anthropologie biologique. Elle mesure en effet ces ratios d’isotopes, mais élabore aussi des référentiels pour savoir comment les facteurs naturels et culturels modifient les isotopes de chaque espèce et, conséquemment, ceux de ses prédateurs.

« Contrairement au carbone 14, ces isotopes sont stables et leurs ratios ne changent pas après la mort des individus. Il s’agit surtout d’atomes de carbone, d’azote et de soufre. Ainsi, je peux restituer les relations entre proies et prédateurs dans les environnements du passé. »

Estelle Herrscher étudie des contextes terrestres en Europe pour déterminer quelles espèces, chassées ou domestiquées, étaient préférentiellement consommées. Elle établit aussi la part de ressources marines dans l’alimentation de peuples insulaires, tout en analysant la variabilité de ces pratiques alimentaires au sein des groupes humains. Ses principaux projets concernent la domestication du millet dans le sud du Caucase, ainsi que les changements de l’alimentation lors la colonisation de l’Océanie par les Lapita.

« J’ai toujours été fascinée aussi bien par les relations qu’entretiennent les organismes entre eux et avec leur milieu naturel, que par l’histoire culturelle et sociale. Mes travaux combinent ces deux questions pour comprendre les stratégies adaptatives mises en place par les sociétés humaines passées pour assurer leur pérennité. »

  • 1Aix-Marseille Université/CNRS/Ministère de la Culture